L'orientalisme, terme inventé au
début du XIXe siècle pour désigner la fascination de l'Orient
exercée sur l’Occident, s'est exprimé dans un courant
littéraire et artistique dont Emma et Monique nous ont détaillé les
différentes facettes et qui depuis n’a plus de secret pour
« Les Livres et les Idées »…
L'intérêt des artistes occidentaux
pour l'Orient prend ses racines dans notre culture dès
le XVII siècle : en témoigne l'attrait pour les « Mille et Une Nuits », œuvre littéraire majeure qui nourrit depuis
1704 un vaste imaginaire oriental….
|
Les Mille et Une Nuits, Sanî’-ol-Molk, 1849-1856 |
- Des récits de voyageurs en Turquie, en
Perse ou « aux Indes » (Tavernier, Chardin) sont venus
offrir de nouveaux horizons et rompre avec une tradition classique.
- Voltaire (« Zadig » et « Candide ») et
Montesquieu (« Lettres Persanes ») ont ainsi apporte une touche orientale
à leurs contes philosophiques.
Au XIXème siècle, l'Orient
devient une question centrale dans la politique des grandes
puissances européennes dans le contexte du lent effondrement de
l’Empire ottoman et dans le désir grandissant de conquêtes de
nouveaux territoires.
|
Ruines du temple d’Hermopolis Vivan Denon |
Sous l'impulsion de Bonaparte qui s'entoure d’artistes et de savants, la campagne d'Egypte dépasse le cadre d’une simple aventure militaire, mais devient une véritable expédition culturelle et scientifique. La découverte de civilisations jusque-là inconnues est l'un des facteurs historiques majeur de l'essor de l'orientalisme. Au Maghreb, l'expédition française en Algérie, en 1830, décidée par Charles X entraîne un intérêt considérable pour des œuvres ayant pour thèmes des scènes empruntées à la culture orientale.
Par ailleurs, en littérature,
l'orientalisme doit son essor à l'esthétique romantique
(nostalgie des civilisations disparues, rêve d’exotisme, de
voyages et de dépaysement), qui glorifie un Orient associé au
pourtour méditerranéen et le plus souvent fantasmé.
Chateaubriand, en 1811, est parmi
l'un des précurseurs avec son « Itinéraire de Paris à Jérusalem ». On peut également citer :
- Georges Gordon Byron : « Pèlerinage
de Childe Harold » (1812) / « La fiancée
d'Abydos » et « Le Giaour » (1813) / « Le corsaire » et « Lara » (1814)
|
Byron en tenue albanaise |
- Victor Hugo : « Les Orientales »
(1829)
- Alfred de Musset : « Namouna »
(1832)
- Gustave Flaubert, Maxime du Camp :
« Egypte, Nubie, Palestine et Syrie. Dessins photographiques »
(1849 à 1851)
- Théophile Gautier : « Voyages en
Espagne (1840), en Algérie (1845), à Constantinople (1852), en
Egypte (1869) » / « Emaux et camées » (1852) / « Le roman de la momie »
(1857)
- Gustave Flaubert : « Salambô »
(1862)
- Sans oublier Lamartine et Gerard de Nerval et plus tard Pierre Loti :
« Aziyadé » (1879) / « Les désenchantées » (1906)
Plus que dans la littérature,
cependant, c'est dans la peinture que l’orientalisme connaît son
heure de gloire. L’amélioration des moyens de
transport permet à de nombreux peintres de se rendre
eux-mêmes en Orient. A l'instar des écrivains, ils entreprennent
de voyager en Orient, afin d'en ramener des scènes et des images
(bien souvent fantasmées) propices à la création artistique.
Delacroix, déjà auréolé de gloire, accompagne Charles de Mornay
pour une mission diplomatique au Maroc. Il revient en France avec une
infinité de croquis et d'esquisses qui lui inspireront ses
tableaux les plus célèbres, tous remarquables par les
couleurs et par son travail sur les jeux d’ombre et de
lumière… Il devient en France le maître de l'orientalisme.
|
La bataille d’Isly - Vernet - 1844 |
|
Prise de la smala d’Abdel Kader
par les troupes du duc d’Aumale en 1843 - Vernet |
|
Le Jour des funérailles
Benjamin-Constant - 1889 |
| Et naturellement Benjamin-Constant que
nous allons découvrir au musée des Augustin.
| |
Au tournant du siècle, parallèlement
à l'apparition de la photographie, les peintres cherchent une
vision plus réaliste de l’Orient, et s’attachent à de
nouveaux sujets comme les paysages orientaux, jusque-là peu
représentés.
Au-delà de ce courant pictural qui
s'épanouit au XIXème siècle, l'esthétique orientaliste a
influencé de nombreux artistes du XXème siècle dont Picasso (peu
de temps après le déclenchement de la révolution algérienne il revisite Delacroix et ses « Femmes dans leurs appartements » et en tire quinze toiles et deux lithographies qu'il intitule « Femmes
d'Alger »).
Le courant orientaliste s’exprimera aussi, mais plus tardivement, dans la sculpture :
|
Odalisque
James Pradier - 1841
Musée des Beaux-Arts - Lyon |
|
|
Lion au serpent - (1832-35)
Louis-Antoine Bayrye
Musée du Louvre |
|
|
Arabe d’el Aghouat
C-H-J Cordier - 1857
Musée
d’Orsay |
|
Les Arts décoratifs n'ont pas échappé non plus à ce courant.
|
Vase dit de l'Alhambra |
- Collinot et de Beaumont : « Recueil
de dessins pour l’art et l’industrie » (1859)
- Théodore Deck expose ses faïences
islamiques : Exposition des produits de l'Industrie - Paris 1861
- Pavillon de la Perse - Exposition
universelle (1878)
L'orientalisme a également inspiré
l'Art nouveau en la personne de Jacques Majorelle le peintre de
l'atlas marocain (fils de louis Majorelle cofondateur de l'école
de Nancy avec Emile Gallé).
L’orientalisme a marqué également
l'architecture :
|
Casino Mauresque d’Arcachon |
- Dominique Vivant Denon : « Voyage
dans la Basse et Haute Egypte » (1802)
- Charles-Louis Balzac : « Description
de l'Egypte » (1809-1822)
- Pascal Coste séjourne 10 ans
« Architecture arabe », « Monuments du Kaire » (1839), « Monuments de la Perse » (1867)
- Maisons particulières : Alexandre
Dumas, Pierre Loti
- Casino Mauresque d’Arcachon (1863) - hélas disparu depuis et dont il ne reste qu’une maquette et de
magnifiques photos...
- Poste d’Alger (1906)
Et d’autres domaines artistiques :
- Photographes : John B. Greene, Auguste
Salzmann, Gustave de Beaucorps, Félix Bonfils…
- Cinéma : Série des cheiks (avec R.
Valentino) / « Les Dix commandements » de Cecil B DeMille
- Musique : « Aïda » (1871) de Verdi / « Samson et Dalila » (1876) de Camille
Saint-Saens
Cliquer sur les images pour les agrandir