Le triomphe de la mort ou Cliquetis d’os et tête de mort
Représentations, Vanités en peinture et littérature
Maryse et Cathy ont cette passion commune pour les têtes de mort et squelettes et elles ont choisi de traiter ce sujet de façon plutôt ludique, aidées par Patrick pour les recherches et le diaporama, et accompagnées par Claude qui nous a lu quelques poèmes de circonstance.
Les symboles de la mort sont omniprésents. Dessiner des squelettes et porter des têtes de mort est un moyen de faire peur aux revenants et donc de conjurer la mort !
Halloween est au départ une fête celtique d'origine irlandaise : le nouvel an Celtique. Il y a environ 3000 ans, le calendrier celte se terminait le 31 octobre et cette dernière nuit de l'année était la nuit du dieu de la mort. En octobre, les nuits rallongent et la légende raconte que les fantômes en profitaient pour rendre visite aux vivants. |
Le squelette désarticulé
Je suis un squelette bien embarrassé.
Je suis un squelette bien embarrassé.
L’autre jour, je descendais l’escalier,
Tout en jouant aux osselets,
Quand patatras ! Je rate une marche
Et je me retrouve tout en bas
Dans un piteux état :
Le crâne à l’envers,
Une côte fêlée,
Le bassin de travers
Et la jambe cassée.
J’ai donc pris mon tibia sous le bras
Et suis remonté à cloche-pied
Me faire un bandage en sparadrap
Pour me recoller.
Si ça continue comme ça, avec tous ces bobos,
Je ne vais pas faire de vieux os !
Claire Renaud et Marianne Duduy-Sauze
Mes comptines pour Halloween
Dans la mode, la tête de mort est devenue glamour et tendance. On associe souvent le dessin de tête de mort aux tendances gothiques.Ce nouveau goût pour la tête de mort touche d'abord les jeunes, mais les grandes marques de prêt à porter comme Dior et Diesel ont utilisé cette tendance pour atteindre un grand public en dédramatisant l'aspect morbide de ce symbole pour le transformer en motif tendance et fantaisie. Les grandes enseignes de prêt-à-porter ont suivi le pas en exploitant cette fascination schizophrénique d’une société habitée par la mort. Les fashionistas disposent d’une palette d’articles décorés par une tête de mort. Cette dernière est également disponible dans les boutiques de bijoux, luxe ou fantaisies (par exemple à Roland Garros avec le symbole de la société Hydrogen porté par le tennisman Simone Bolelli).
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La symbolique du crâne est très présente dans les tatouages. Apprécié pour son côté effrayant, provocateur et rappelant le danger, le tatouage de tête de mort se décline sous divers styles et à différents emplacements sur le corps des sujets. Etre rebelle est devenu une tendance privilégiée par les jeunes en quête d’identité.
La tête de mort inspire la crainte :
Les pavillons des corsaires et des pirates étaient généralement réalisés sur le bateau par les matelots, à l’aide de bouts de voile. C’est pour cela que les symboles étaient assez simples : ils n’étaient pas cousus par des demoiselles aux doigts fins et agiles !
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Une affiche pour inciter les mères
à faire vacciner leurs enfants
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Les produits toxiques : est-ce le produit ou la société qui le fabrique qui nous fait peur ?
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Si pendant longtemps la tête de mort a été associée aux fans de musique rock, elle est devenue depuis quelques années un objet de décoration ou d’art présent même dans les maisons les plus classiques. Loin de sa mauvaise réputation, la tête de mort a repris enfin le prestige de ses représentations d’antan. C’est avec humour, horreur ou kitsch que le crâne est représenté et prend une place dans notre intérieur à travers les œuvres d’art mais aussi des objets déco souvent rigolos, ironiques. Le crâne (ou vanité) est présent partout, non pas pour nous rappeler notre mort inévitable mais plus pour s’en moquer. L’humour est notre arme contre la peur de mourir.
Bouton de porte
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Et même la nature !
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2. Traditions et symboles autour du monde
Les différentes civilisations ont alors adopté le crâne pour représenter la mort ou le passage du monde réel au monde virtuel. Le choix de la tête est assez significatif dans la mesure où cette partie du corps humain est considérée comme le foyer de la conscience et le siège de l’âme.
Dans le Bouddhisme et l'Hindouisme, le crâne est présent dans l'art religieux. Le Seigneur bouddhiste de la mort, Yama, a cinq crânes autour de sa tête, symbolisant la victoire sur la haine, la cupidité, l'orgueil, l'envie et l'ignorance. Kali, la déesse hindoue de la mort porte un collier de crânes autour de son cou. Mais la spécificité de la tête de mort en tant que symbole religieux est associé surtout aux "Calaveras" et à la "Catrina" du Mexique.
El Día de los Muertos (la fête des Morts) est une forme particulière de fête des morts typique de la culture mexicaine actuelle et qui s’observe aussi dans le Sud-Ouest des Etats-Unis parmi la communauté d’origine mexicaine. Cette fête est célébrée tous les ans les 1er et 2 novembre. Elle a pour but de rassembler les gens autour d'une fatalité commune qu'est la mort mais dans une ambiance festive avec la réalisation d’autels privés dédiés aux morts et couverts d’offrandes, d’objets, de fleurs et de nourriture. On peut trouver des têtes de mort ornées de sombrero, de joyaux ou de plumes, des crânes en sucre ou en chocolat et les familles ont pour habitude d'aller manger sur les tombes de leurs proches. Les femmes mexicaines ont pour tradition de se maquiller d'une tête de mort colorée et festive. Cette coutume est née en 1912, lorsque José Guadalupe Posada créa ce visuel pour rappeler aux classes supérieures l'importance des coutumes locales. |
L’industrie du tourisme s’est fortement développée autour de cette fête. Un dicton mexicain dit : « No se puede negociar con la muerte, pero sí se puede hacer negocio con ella. » (on ne peut négocier avec la mort mais on peut faire des affaires, gagner de l’argent avec elle).
À la fois terrifiante et élégante, la calavera (le crâne) est devenue une mode internationale, utilisée en guise de déguisement pour la fête d'Halloween notamment. On retrouve aussi cette esthétique dans le logo de la célèbre marque de boissons Cubanisto, inspiré du masque de fête cubain.
El Día de los Muertos est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco et figure également dans l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel français.
Au début il s’agissait d’offrandes pour « los angelitos » (enfants morts) et ensuite pour les adultes. Les traditions actuelles de cette fête au Mexique sont un mélange d’origines différentes mais en particulier chrétiennes et indigènes. Les Espagnols n’ont pas réussi à éradiquer toute référence aux rituels indigènes préhispaniques : la popularisation de l’intégration de squelettes et la figure de la Catrina seraient une résurgence tardive des rituels indigènes et plus particulièrement des déesses aztèques de la mort Mictecacihuatl et Cihuacoatl.
La Catrina est une figure emblématique et populaire de la fête des morts mexicaine. Il s'agit d'un squelette féminin vêtu de riches habits et portant généralement un chapeau, typique de la culture mexicaine, dont les origines remontent aux fêtes des morts précolombiennes. A l’époque préhispanique, il était courant de conserver des crânes comme trophées de guerre et de les afficher lors de rituels pour symboliser la mort et la renaissance.
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Ce personnage au chapeau élégant et à l’allure bourgeoise a une fonction de "memento mori", destiné à rappeler que les différences de statut social n’ont aucune importance face à la mort. L’âme mexicaine est hantée par les supplices de leurs ancêtres mais également habitée par une inextinguible soif de jouir de la vie. Les mexicains croisent la Catrina en croquant de délicieux crânes en sucre.
En 2012, le Mexique a fêté le centenaire de la création de la Catrina par le caricaturiste mexicain José Guadalupe Posada.
Les Calaveras sont les représentations de la Catrina en peinture. On distingue trois Catrinas originelles :
Cette civilisation, qui se développa dans les Grandes Antilles entre le Xe et le XVe siècle fut révélée grâce aux relations des premiers « conquistadores » dont Christophe Colomb et aux travaux des archéologues.
Les premiers « Indiens » rencontrés par Colomb, les Taïnos et leurs objets constituent une réelle découverte pour l’amateur du XXe siècle car ils émanent de l’une des moins connues parmi les sociétés du monde précolombien. Il y a omniprésence de la mort et de ses représentations :
Un peu d'histoire
3. Les vanités
Les vanités illustrent, de façon symbolique, le thème philosophique de l’impermanence de l’homme. Ce sont des natures mortes, des allégories ou encore des images de saints qui représentent l’inéluctabilité de la mort, la futilité des plaisirs ou encore la fragilité des biens terrestres. Elles dénoncent également la relativité de la connaissance et la vanité du genre humain.
La fuite du temps qui passe, la brièveté de la vie sont évoquées par des sabliers, des bougies qui se consument ou des horloges. Le crâne, bien entendu, évoque la mort qui ne manquera pas d’arriver. Les effets du temps sont aussi souvent représentés à travers les fleurs (qui se fanent rapidement), les fruits (qui s’abîment), les pierres (qui se fendent)…
Les plaisirs de la vie sont considérés comme « vains ». Ils ne sont que futiles et dérisoires au moment de mourir. Ainsi les vanités présentent des éléments qui font référence aux sciences (des compas ou des globes), aux arts pour les joies de l'existence (la musique, la littérature, la peinture) à la puissance et aux honneurs pour l'inanité de l'existence (pièces d’argent, médailles, bijoux, coquillages) et bien sûr à la beauté (miroir).
Comment les vanités ont-elles évolué à travers le temps ?
« Vanité des vanités, tout est vanité », cette citation datant du IIIe siècle av. J.-C. fait partie d’un texte de l’Ancien Testament. Elle apparaît de plus en plus dans les retables du XVIe et début du XVIIe siècle, en latin sur des banderoles à côté d’un crâne au pied de la Croix.
Pour qualifier des œuvres picturales mettant en balance la mort et les œuvres humaines avec force objets symboliques, le terme « vanité » ne s’impose en France qu’en 1756 après le succès du peintre Chardin qui a redonné à la nature morte ses lettres de noblesse.
Le symbolisme du crâne est instinctif chez l'homme : l'esprit humain, spécialement formé à reconnaître les visages, capable de voir les expressions sait instinctivement que le «visage» dont nous regardons le crâne était il y a bien longtemps un visage humain. Pas étonnant que le crâne humain soit un symbole quasi universel de la mort. Dans de nombreuses cultures, il est considéré comme un rappel de notre propre mortalité, Dans l'art chrétien et la culture, le crâne a été utilisé comme un symbole de l'éternité, de la repentance, de la vanité humaine, et comme un rappel que la voie du salut.
« En ce sens général, la tête de mort est un emblème de la caducité de l’existence, lequel apparaît dans les exemples littéraires de Hamlet et de Faust. Cependant, comme la coquille de l’escargot, c’est bien une réalité, « ce qui reste » de l’être vivant une fois le corps détruit. Il acquiert aussi le sens de vase de la vie et de la pensée ; en ce sens symbolique, la tête de mort apparaît dans les livres sur la transmutation. Multitude d’actes superstitieux, rituels ou dérivés dans le même esprit. »
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- Posada critiquait les "garbanceras", femmes d’origine indigène qui mangeaient ou vendaient des "garbanzos" (pois chiches) ou "garbanza" (préparation à base de pois chiches) car elles méprisaient leur classe sociale, copiant la mode et les usages européens, en portant de grands chapeaux décorés de tous les ornements possibles. Elles se donnaient l’air d’avoir accédé à un niveau social supérieur à leur condition.
- Au XXe siècle, de nombreuses variantes de la Catrina dont celle du peintre Diego Rivera. Sa peinture murale intitulée « Sueño de una Tarde Dominical en la Alameda Central » représente la Catrina en entier, pas seulement le buste, en boa et chapeau à plumes à côté de José Guadalupe Posada.
La Calavera literaria est une représentation humoristique accompagnée d’un poème.
Poème du Jour des Morts
Calavera Ahí viene el agua por la ladera, Y se me moja Mi calavera. La muerte calaca, Ni gorda, ni flaca. La muerte casera, Pegada con cera. | Crâne Voici venir l'eau Par le coteau, Et mon crâne Se mouille. La mort squelette, Ni grosse, ni maigre La mort faite maison Collée à la cire |
Les Catrinas Contemporaines
Statuettes de "cartonería" (papier mâché) représentant une Catrina avec sa version masculine surnommée Catrín (Musée d’art populaire de Mexico)
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Une Catrina exposée temporairement dans le
parc de la Villette à Paris
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Statuettes contemporaines (Musée de la ville de León)
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Les Taïnos
Cette civilisation, qui se développa dans les Grandes Antilles entre le Xe et le XVe siècle fut révélée grâce aux relations des premiers « conquistadores » dont Christophe Colomb et aux travaux des archéologues.
Les premiers « Indiens » rencontrés par Colomb, les Taïnos et leurs objets constituent une réelle découverte pour l’amateur du XXe siècle car ils émanent de l’une des moins connues parmi les sociétés du monde précolombien. Il y a omniprésence de la mort et de ses représentations :
Ornement central d’un collier d’os et de coquillage (Saint-Domingue, collection musée d’anthropologie et d’ethnologie à Florence)
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"Zemi" de coton qui faisait office de reliquaire (Saint-Domingue, crâne humain, coton, coquillages, collection musée d’ethnographie université de Turin)
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A l’Ile d’Hispaniola (Haïti / Saint Domingue), ces figures de la mort, complexes et inventives, montrent la philosophie de l’existence des Taïnos : « bien vivre et bien mourir ».
Un peu d'histoire
La fête des morts, vieille d’environ 3500 ans, découle de nos jours de plusieurs traditions. A l’époque de Moctezuma (dernier empereur aztèque), les habitants du Mexique avaient l’habitude de venir plusieurs fois par an sur les tombes des morts. La famille du défunt dansait, chantait et laissait des offrandes afin de pourvoir aux besoins du défunt dans l’au-delà. Les Aztèques pratiquaient 2 fêtes majeures : une pour les enfants (Miccaihuitontli) et une pour les adultes (Hueymiccalhuitl). La petite fête était célébrée 20 jours avant la grande.
Les Espagnols, eux, avaient l’habitude de venir dans les cimetières pour y déposer du pain, du vin et des fleurs pour la Toussaint. Ils pensaient que les âmes parcouraient la Terre et flottaient autour d’eux. Ils craignaient qu’elles s’abattent sur eux pour les emporter avec elles. Ils préparaient des autels avec du vin et du pain pour les apaiser. Des cierges les guidaient jusqu’à l’autel. Le rituel Aztèque n’a donc pas été éradiqué par les Espagnols en les convertissant au catholicisme. La date a juste été fixée afin qu’elle coïncide exactement avec le jour de tous les saints, les 1er et 2 novembre.
De nos jours, une autre culture vient s’ajouter à cette fête : Halloween. C’est pourquoi on rencontre dans les rues des enfants déguisés en Dracula, momies et autres morts vivants et ils disent « calaveras » selon la tradition del día de los Muertos, afin d’obtenir des friandises ou des pièces de monnaie.
Les "danses macabres" en Europe
Guerres, pestes et famines : Les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse qui ont décimé les populations ont fait de la mort un compagnon au quotidien pour les populations du Moyen-Âge. La peste noire en 1348 à Toulouse : 30% de mortalité soit 12 000 sur les 35 000 habitants.
La Danse macabre est un motif artistique populaire, à la fois présent dans le folklore européen et élaboré à la fin du Moyen-Âge. Par cette sarabande qui mêle morts et vivants, la Danse macabre souligne la vanité des distinctions sociales, dont se moquait le destin, fauchant le pape comme le pauvre prêtre, l'empereur comme le lansquenet. C'est une leçon morale adressée aux vivants afin de réfléchir à notre condition : elle console les plus pauvres et apprend aux plus grands que personne n'est au-dessus des lois. Sa composition se fait de manière hiérarchique : elle fait d'abord entrer les "grands" (pape, empereur, roi, cardinal ou patriarche) puis descend l'échelle sociale en faisant entrer les "petits" (laboureur, enfant, cordelier, ermite). Les vivants sont donc des personnages représentant les différentes strates sociales et les morts sont squelettiques, dansent, font des cabrioles, se moquent et entraînent vers la mort les vivants, en s'affabulant de leurs attributs (couronne, épée, instruments de musique).
Tout au long du XVe siècle et au début du XVIe, ce thème est peint sur les murs des églises, dans les cimetières d'Europe du Nord, sur les murs extérieurs des cloîtres, les charniers, les ossuaires. Au-dessus ou au-dessous de l'illustration sont peints des vers par lesquels la mort s'adresse à la victime, souvent sur un ton sarcastique et empreint de cynisme. Il est diffusé à travers l'Europe par les textes poétiques colportés par les troupes de théâtre de rues. |
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Dans Le triomphe de la mort (1562), Pieter Brueghel l’Ancien nous dépeint par une bataille morbide l’absurdité de la condition humaine. Une armée de squelettes déferle sur l’humanité, toutes classes sociales confondues. Aux vêtements, on remarque des paysans, des mendiants, des soldats, des bourgeois et des nobles. En bas à gauche, un roi encore tout vêtu des symboles de sa puissance semble moqué par un squelette exhibant un sablier : son temps est venu. Cadavérique, il étend son bras vers un squelette en armure qui s’apprête à lui dérober son or. Un peu plus à droite, c’est le pouvoir ecclésiastique qui est moqué par la mort : un cardinal est soutenu par un autre squelette dont le crâne est orné du fameux chapeau cardinalice rouge. A l’avant-plan, à droite, l’armée de la mort semble commandée par un squelette à la faux qui mène la charge, monté sur un cheval décharné. Terrorisée, la foule s’engouffre dans un grand tunnel cubique dont l’ouverture est marquée d’une grande croix. A n’en point douter, tous s’avancent tambour battant vers leur propre mort.
Le thème traverse les époques. De nombreux peintres (Hans Holbein le Jeune), des poètes (Baudelaire, Verlaine, Cazalis…), des auteurs (Flaubert), des musiciens (Liszt, Saint-Saëns, Benjamin Britten, Honegger...), des cinéastes (Fellini, Bergman…) s'emparent de celui-ci et permettent de redécouvrir ces œuvres tombées dans l'oubli.
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| Ceci nous conduit à parler de “memento mori” : genre artistique de créations de toutes sortes dont le but est de rappeler aux hommes qu’ils sont mortels, que la mort à la fois acte de fin de vie mais aussi dans son absoluité est partout. La locution latine « Souviens-toi que tu vas mourir » montre à la fois le début et la fin. |
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3. Les vanités
Les vanités illustrent, de façon symbolique, le thème philosophique de l’impermanence de l’homme. Ce sont des natures mortes, des allégories ou encore des images de saints qui représentent l’inéluctabilité de la mort, la futilité des plaisirs ou encore la fragilité des biens terrestres. Elles dénoncent également la relativité de la connaissance et la vanité du genre humain.
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Quels sont les éléments récurrents dans une vanité ?
La fuite du temps qui passe, la brièveté de la vie sont évoquées par des sabliers, des bougies qui se consument ou des horloges. Le crâne, bien entendu, évoque la mort qui ne manquera pas d’arriver. Les effets du temps sont aussi souvent représentés à travers les fleurs (qui se fanent rapidement), les fruits (qui s’abîment), les pierres (qui se fendent)…
Les plaisirs de la vie sont considérés comme « vains ». Ils ne sont que futiles et dérisoires au moment de mourir. Ainsi les vanités présentent des éléments qui font référence aux sciences (des compas ou des globes), aux arts pour les joies de l'existence (la musique, la littérature, la peinture) à la puissance et aux honneurs pour l'inanité de l'existence (pièces d’argent, médailles, bijoux, coquillages) et bien sûr à la beauté (miroir).
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Comment les vanités ont-elles évolué à travers le temps ?
« Vanité des vanités, tout est vanité », cette citation datant du IIIe siècle av. J.-C. fait partie d’un texte de l’Ancien Testament. Elle apparaît de plus en plus dans les retables du XVIe et début du XVIIe siècle, en latin sur des banderoles à côté d’un crâne au pied de la Croix.
Pour qualifier des œuvres picturales mettant en balance la mort et les œuvres humaines avec force objets symboliques, le terme « vanité » ne s’impose en France qu’en 1756 après le succès du peintre Chardin qui a redonné à la nature morte ses lettres de noblesse.
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L'amour et le crâne
L'Amour est assis sur le crâne De l'Humanité, Et sur ce trône le profane, Au rire effronté, Souffle gaiement des bulles rondes Qui montent dans l'air, Comme pour rejoindre les mondes Au fond de l'éther. Le globe lumineux et frêle Prend un grand essor, Crève et crache son âme grêle Comme un songe d'or. J'entends le crâne à chaque bulle Prier et gémir : " Ce jeu féroce et ridicule, Quand doit-il finir ? Car ce que ta bouche cruelle Eparpille en l'air, Monstre assassin, c'est ma cervelle, Mon sang et ma chair ! "
Charles Baudelaire
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Picasso n’a jamais rencontré Cézanne son aîné de 42 ans mais « Il était notre père à tous », confiera-t-il à son ami Brassaï. Il ajouta même : « Si je connais Cézanne ! Il a été mon seul et unique maître ! Vous pensez bien que j’ai regardé ses tableaux, j’ai passé des années à les étudier… »
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Balustre et Crane prédit une série de natures mortes créées par Braque, appelées Vanitas, dans lesquelles les objets symbolisent l'agonie ou la misère mentale. Il a peint des crânes à plusieurs reprises après son retour de la guerre et au début de la Seconde Guerre mondiale. Braque y utilise un éventail de couleurs pour représenter les réactions émotionnelles à l'inconfort politique qu'il ressentait à propos de la guerre.
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Dans Le visage de la guerre (1940) Dalí dénonce les horreurs de la vie, tout ce qui conduit à la mort, à la destruction et la souffrance.
Dans Horreurs de la Grande guerre, Otto Dix montre le crâne d'un soldat mort au combat. Celui-ci est recouvert d'insectes sortant de tous les orifices, représentant la répugnance que l'artiste a ressenti.
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Canción primaveral
En el monte solitario,un cementerio de aldeaparece campo sembradocon granos de calaverasY han florecido cipresescomo gigantes cabezasque con orbitas vaciasy verdosas cabelleraspensativas y dolientesel horizonte contenplanAbril divino, que vienescargado de sol y esencias,llena con nidos de orolas floridas calaveras ! Federico Garcia Lorca
« En ce sens général, la tête de mort est un emblème de la caducité de l’existence, lequel apparaît dans les exemples littéraires de Hamlet et de Faust. Cependant, comme la coquille de l’escargot, c’est bien une réalité, « ce qui reste » de l’être vivant une fois le corps détruit. Il acquiert aussi le sens de vase de la vie et de la pensée ; en ce sens symbolique, la tête de mort apparaît dans les livres sur la transmutation. Multitude d’actes superstitieux, rituels ou dérivés dans le même esprit. »
Diccionario de los simbolos tradicionales
J. E Cirlot – Barcelona (1959)
Niki a consacré 20 ans, de 1979 à 1998 à la réalisation du Jardin des Tarots en Toscane, inspiré du célèbre jeu de cartes divinatoires. Dans ce parc, tout est couleurs, rondeurs, scintillements. Le Parque Guell de Gaudi et l’œuvre du Facteur Cheval l’ont influencée. Elle considérait son œuvre comme la grande aventure de sa vie. Son but était de réaliser un « Jardin de la Joie ». Pour elle, la mort ne fait pas peur vue de l’extérieur, quand on est vivant ; elle est gaie, habillée de lumière, de couleurs. |
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La Cabeza (2000) a été exposée en 2015 à Paris au « 104 », associée à la rétrospective consacrée à l’artiste au Grand Palais. Enorme tête sur laquelle les enfants peuvent grimper, entrer, sauter et glisser. Ce crâne est constitué de mousse de polyuréthane, soutenu par une armature d’acier et de résine, revêtu d’éclats de miroir, de galets, de coquillages, de cailloux et d’incrustations de verre millefiori. La Cabeza n’est pas funèbre, bien au contraire. L’artiste qui a habité dans la ville californienne de La Jolla s’est inspiré des traditions mexicaines. Les attributs de la mort, les squelettes, les crânes, les os sont décorés de couleurs vives et sont au centre de fêtes joyeuses. Si on célèbre la mort c’est qu’on est vivant. Alors autant profiter de la vie et de ses plaisirs. Renversement des fonctions des vanités : elles n’invitent pas le croyant à la traversée d’une vallée de larmes mais au contraire à l’épicurisme le plus débridé. Niki parlant de la mort disait : « There is no death. There is change-transformation. Our life is eternal. »
Nous avons terminé gaiment la soirée par un pot de l'amitié accompagné de
sucreries en forme de crâne apportées par Cathy.