L’évolution de la place de l’enfant du XVIe siècle à nos jours
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Nicole et Diana nous ont présenté ce thème à partir de l’exposition "L’Art et l’Enfant" au Musée Marmottan Monet en 2016 dont l’objectif était de retracer l’évolution du statut de l’enfant à travers ses représentations dans la peinture française du Moyen-âge au début du XXe siècle.
Diana nous a présenté le cadre historique et social qui a accompagné cette évolution ainsi que quelques éléments du cadre légal. Nicole s’est appuyée sur ces considérations pour sélectionner quelques tableaux et les commenter.
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Le statut de l’enfant a considérablement évolué depuis la Renaissance. L’évolution du statut de l’enfant depuis le XVIe siècle (et même avant, mais les témoignages ne sont pas aussi abondants) peut être considérée comme inscrite dans celle de l’individuation de la société occidentale, de pair avec la croissante diversification et reconnaissance des catégories sociales, de leur identification, du développement de leurs droits.
Avant le XVIe siècle
Jusqu’à la fin du Moyen-Age, prépondérance de la représentation de l’enfant-Dieu dans l’iconographie : les représentations de l’enfance sont celles du Christ ou de la vierge Marie. Les œuvres d’art sont plutôt des fresques, des sculptures, des livres d’heures « enluminures ».
André Beauneveu ou Jean De Liège (vers 1330-1400) : né à Valenciennes, il fut appelé à la cour de Charles V.
La présentation au temple – André Beauneveu
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XVIe et XVIIe siècles : "Le petit de l'homme"
Au XVIe siècle : La France vient de sortir des années de la peste noire. La Réforme protestante est à l'origine d'un processus d’individualisation en insistant sur la valeur de l’individu seul dans sa relation avec Dieu et l’interprétation des textes sacrés. C'est une période de grande instabilité sociale et politique. Il existe d'énormes inégalités en termes de rang, d’éducation et de richesse.
"enfant" vient du latin infantem : in (privatif, non) et fari (parler) : "celui qui ne parle pas". L'enfant est le « petit de l’homme » ; sa qualité d’enfant est niée à la faveur d’un regard qui le voit comme un adulte manqué. Juridiquement, il est inexistant, il n’existe pas comme une personne ayant ses besoins et possibilités propres ; il appartient à son père. Dans la société, en attendant qu’il devienne adulte, l’enfant occupe la portion congrue (aucun droit, qualifié de « sauvage », il faut le « dresser », déni d’affection…)
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L’enfant est rarement représenté pour lui-même en famille dans les milieux princiers et aristocratiques. Vêtements adultes inadaptés, figure sans grâce. L’enfant disparait sous le manteau d’hermine. La figure de l’enfant-roi apparait ensuite. Ce sont des portraits de souverains enfants, avec les attributs du pouvoir. Dès le plus jeune âge, les portraits de Louis XIV s’inscrivent dans un cadre officiel et protocolaire. Héritier de droit divin, il incarne la continuité dynastique.
Portrait du futur roi Louis XIV – Anonyme – vers 1640
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Louis XIII était orphelin timide et bègue. Le peintre l'a mué en prince intelligent et sûr de lui.
Frans Pourbus Le Jeune (1569-1622) : Flamand, l'un des plus grand portraitiste de l'époque ; venu à Paris à la demande de Marie de Médicis.
Louis XIII en costume de deuil – Frans Fourbus Le Jeune – 1611
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Au XVIIe siècle : Face au développement de la monarchie absolue, l’Eglise perd son autorité et son influence. La Réforme protestante suit ce mouvement de centralité de l’individu. L’enfant n’a pas de statut, mais ni la famille (telle qu’on la connaît aujourd’hui) ni les femmes n'en ont un. Les seuls qui en ont sont les religieux et la noblesse. La baisse de la population donne une plus grande valeur à la vie humaine ainsi qu’à la descendance et aux mères.
A une époque où sévit la mortalité infantile, ou l’espérance de vie demeure courte, l’enfant, avant d’être un individu, incarne l’espoir de perpétuer une lignée. Dans les familles pauvres, la crainte de mourir sans postérité est plus forte que l’inquiétude d’avoir à nourrir une bouche supplémentaire.
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La pérennité familiale est au cœur des préoccupations de l’aristocratie. Les portraits de familles traduisent cette préoccupation dynastique. Dans ce tableau, trois générations sont représentées.
Philippe de Champaigne (1602-1674) : né à Anvers. Dès 1621 il part à Paris. Ami de Nicolas Poussin. Il décore, à la demande de Marie de Médicis, le Palais du Luxembourg.
La Famille Habert de Montmor – Philippe de Champaigne
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Le statut de l’enfant dans certains secteurs sociaux s’améliore et les chiffres de la mortalité infantile et des femmes à l’accouchement baissent. Il existe néanmoins une tension entre une attention plus affectueuse dont l’enfant est l’objet dans certains familles et l’exploitation de très jeunes enfants. Notre sensibilité s’émeut souvent de la rigueur des châtiments d’antan mais le contexte n’était tendre pour personne.
Portrait d'un enfant mort – Philippe de Champaigne
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La fille naturelle de Louis XIV et de Madame de Montespan. La bulle de savon et la montre disent le caractère posthume du tableau – Vers 1681.
Pierre Mignard (1612-1695) : né à Troyes. Ami de Nicolas Poussin, il a fait des portraits de Molière, Racine et Boileau.
Louise-Marie de Bourbon, duchesse d’Orléans – Pierre Mignard
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| A l’opposé, une suite de tableaux des frères Le Nain montre des enfants humbles, petits paysans dont les activités sont le prétexte à des scènes de genre plus pittoresques que réalistes.
Les jeunes musiciens – Antoine Le Nain – Vers 1640
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