24/02/2017

FESTIVAL “50 POEMES POUR LA NEIGE”



L’édition 2017 du festival de poésie “50 poèmes pour la neige” organisée par l’association Des Livres et des Idées avec la collaboration de Convergéncia Occitana, Radio Occitanie et des éditions N&B, s’est tenue le vendredi 24 février. En complément de Toulouse, il a également eu lieu dans 9 autres pays Européen (l'Autriche, l'Arménie, la Croatie, la Bulgarie, la Finlande, le Kosovo, Pays-Bas la Serbie et la Slovénie) … Nous avons donc eu un peu le sentiment de participer ce soir-là à créer une "Europe de la Poésie" en lien avec le jeune organisateur croate du festival : Sasa Simpraga. 



Nous avons été chaleureusement accueillis à l’Ostal d’Occitània (anciennement Hôtel de Boysson, construit vers 1460 à la grande époque du pastel qui a fait la richesse de Toulouse). Ce haut lieu de la culture occitane se prêtait tout particulièrement à ce moment de poésie que l’on veut sans frontière. 


Nous étions une cinquantaine de participants présents pour cette soirée de partage dans un environnement convivial mais sans la principale invitée : la neige, grande absente de l’évènement.

La diversité des cultures et des langues a fait merveille ; le grec, l’occitan, le catalan, le français, l’anglais et même le farsi se sont mélangés pour le plaisir de tous et nous avons navigué des collines d’Ithaque jusqu’aux paysages enneigés et même aux plus hautes cimes des montagnes.



Joëlle Montech, professeur de français et de théâtre au lycée franco-hellénique Delacroix et fondatrice du Théâtre Dionysos & Apollon est venue tout spécialement d’Athènes pour évoquer Constantin Cavafy, exilé grec en terre d’Egypte, grand poète grec phare de ce festival 2017.

Nous avons découvert une poésie subtile et nourrie de la substance du passé ; les textes et le "Rebetiko" nous ont plongé dans l’atmosphère populaire des cafés d’Alexandrie ou de la place Omónia à Athènes que fréquentait Cavafy.
Son poème le plus connu "En attendant les Barbares" a pris dans le contexte actuel une résonance particulière, preuve s’il en est que ses textes sont intemporels.


Jordi Vidal, chanteur et musicien tarnais, a magnifiquement expliqué et interprété deux chansons, l’une en catalan et l’autre en anglais, inspirées par Cavafy, toutes deux nostalgiques du temps qui passe. 

Un convivial vin chaud servi par le café associatif La Topina a été apprécié par tous avant d’aborder la suite de la soirée et se préparer à affronter les rigueurs d’un hiver poétique.
 
Plusieurs poètes se sont relayés pour créer une ambiance de neige grâce à laquelle les mots, devenus flocons, sont venus tourbillonner dans la salle.
D’autres encore, poètes ou simplement lecteurs passionnés de poésie, sont venus lire des textes, pas forcement relatifs à la neige, qu’ils ont souhaités partager ; et c’est bien ce partage l’objectif de cette soirée.

Manijeh Nouri, ambassadrice de la culture orientale et spécialiste de la littérature mystique nous a lu en farsi quelques strophes de la poésie persane de Farid al-Dîn Attar tirés de la "Conférence des Oiseaux", dépassant ainsi les frontières européennes de notre festival.


Franc Bardou, enseignant et poète, membre de l’Académie de Jeux Floraux et de l’Acadèmia Occitana a mêlé français et occitan renouant avec l’art courtois des troubadours. Il nous a lu des textes forts, où neige et feu se mêlent ; en avant-première d’un recueil de poèmes "Nocturnal d’errança" (Cahier nocturne d’errance).
Claude Barrère, artiste passionné d’écriture poétique et de gravure nous a fait découvrir François Jacqmin, poète belge d’expression française (prix Max-Jacob en 1991 avec le recueil "Livre de la neige"). Claude nous a ouvert également son horizon poétique par la lecture de quelques-uns de ses poèmes.
Claude a laissé à chaque participant un parchemin de "poèmes mystère" sur lequel était fixé un flocon "coto-neigeux", en guise de souvenir.
André Bordes, conteur et poète pour qui la langue est orale avant d'être écrite, est venu pour lire quelques de ses textes composés pour être vécus sur scène… "Poètes vos papiers !" Merci à André pour nous avoir ramené le grand poète libertaire Léo Ferré pour quelques instants. Allez Léo, un dernier, pour la route !

Monique Saint-Julia a lu quelques-uns de ses textes (dont certains tirés du recueil "On n'invente pas la neige" prix Troubadours en 2012). Poèmes faits d'instants de silence, de solitude, d'isolement, de recueillement dont nous avons appréciés la délicatesse ainsi que la description des paysages évoquant par certains côtés une "Toscane sous la neige".
Christian Saint Paul, animateur de l’émission "Les Poètes" sur Radio Occitanie (98.3 Mhz) que l’on peut réécouter en suivant le lien les-poetes.fr (celle du jeudi 16 février était d’ailleurs consacré au festival  “50 poèmes pour la neige” ) a lu un de ses textes, bel hommage à son épouse et à ses filles.
Jean-Michel Tartayre, poète et professeur de Lettres, a lu des extraits de ses poèmes ("Vers l'été suivi de Fractions du jour" édité chez n&b) dont nous retiendrons une magnifique évocation de la haute montagne avec des cimes minérales et abruptes où granit et neige se rejoignent.
Emma Durand et Jean-Yves Drouin ont lu des poèmes d'auteurs publiés
par n&b : 

Raymond Alcovère, "L'aube a un goût de cerise" Colette Elissalde, "Ecorces du temps"
J-Damien Roumieu, "Dans la chaleur des mains" –  Sophie Charpentier, "Sur tes traces".
Patrick Zemlianoy, organisateur de “50 poèmes pour la neige” a lu un extrait d’un texte tiré des "Métamorphoses de la neige" écrit par Annie Briet qui a ainsi pu partager ce moment, bien que physiquement absente pour cette soirée.
Nous aurions encore pu rester des heures, et lire jusqu’au bout de la nuit nos poèmes "coups de cœur" mais malheureusement, nous avons dû nous séparer, non sans promettre de rééditer ce moment de partage.

Plusieurs idées ont été évoquées pour proposer un poète qui pourrait être en exergue l’an prochain : René Nelli, René Char, Charles Cros sont des candidats tout à fait intéressants ; mais quel que soit le choix des organisateurs, nous serons présents pour la future édition 2018 de “50 poems for snow”. 


_____________________________________________________________________

Page officielle de "50 poems for snow" :

03/02/2017

L'ART ET L'ENFANT

L’évolution de la place de l’enfant du XVIe siècle à nos jours


Nicole et Diana nous ont présenté ce thème à partir de l’exposition "L’Art et l’Enfant" au Musée Marmottan Monet en 2016 dont l’objectif était de retracer l’évolution du statut de l’enfant à travers ses représentations dans la peinture française du Moyen-âge au début du XXe siècle. 

Diana nous a présenté le cadre historique et social qui a accompagné cette évolution ainsi que quelques éléments du cadre légal. Nicole s’est appuyée sur ces considérations pour sélectionner quelques tableaux et les commenter.

Le statut de l’enfant a considérablement évolué depuis la Renaissance. L’évolution du statut de l’enfant depuis le XVIe siècle (et même avant, mais les témoignages ne sont pas aussi abondants) peut être considérée comme inscrite dans celle de l’individuation de la société occidentale, de pair avec la croissante diversification et reconnaissance des catégories sociales, de leur identification, du développement de leurs droits.

Avant le XVIe siècle
Jusqu’à la fin du Moyen-Age, prépondérance de la représentation de l’enfant-Dieu dans l’iconographie : les représentations de l’enfance sont celles du Christ ou de la vierge Marie. Les œuvres d’art sont plutôt des fresques, des sculptures, des livres d’heures « enluminures ».

André Beauneveu ou Jean De Liège (vers 1330-1400) : né à Valenciennes, il fut appelé à la cour de Charles V.

La présentation au temple André Beauneveu

XVIe et XVIIe siècles : "Le petit de l'homme"

Au XVIe siècle : La France vient de sortir des années de la peste noire. La Réforme protestante est à l'origine d'un processus d’individualisation en insistant sur la valeur de l’individu seul dans sa relation avec Dieu et l’interprétation des textes sacrés. C'est une période de grande instabilité sociale et politique. Il existe d'énormes inégalités en termes de rang, d’éducation et de richesse.

"enfant" vient du latin infantem : in (privatif, non) et fari (parler) : "celui qui ne parle pas". L'enfant est le « petit de l’homme » ; sa qualité d’enfant est niée à la faveur d’un regard qui le voit comme un adulte manqué. Juridiquement, il est inexistant, il n’existe pas comme une personne ayant ses besoins et possibilités propres ; il appartient à son père. Dans la société, en attendant qu’il devienne adulte, l’enfant occupe la portion congrue (aucun droit, qualifié de « sauvage », il faut le « dresser », déni d’affection…)


L’enfant est rarement représenté pour lui-même en famille dans les milieux princiers et aristocratiques. Vêtements adultes inadaptés, figure sans grâce. L’enfant disparait sous le manteau d’hermine. La figure de l’enfant-roi apparait ensuite. Ce sont des portraits de souverains enfants, avec les attributs du pouvoir. Dès le plus jeune âge, les portraits de Louis XIV s’inscrivent dans un cadre officiel et protocolaire. Héritier de droit divin, il incarne la continuité dynastique. 

 Portrait du futur roi Louis XIV – Anonyme – vers 1640



Louis XIII était orphelin timide et bègue. Le peintre l'a mué en prince intelligent et sûr de lui.
 
Frans Pourbus Le Jeune (1569-1622) : Flamand, l'un des plus grand portraitiste de l'époque ; venu à Paris à la demande de Marie de Médicis. 

Louis XIII en costume de deuil – Frans Fourbus Le Jeune – 1611
 
 

Au XVIIe siècle : Face au développement de la monarchie absolue, l’Eglise perd son autorité et son influence. La Réforme protestante suit ce mouvement de centralité de l’individu. L’enfant n’a pas de statut, mais ni la famille (telle qu’on la connaît aujourd’hui) ni les femmes n'en ont un. Les seuls qui en ont sont les religieux et la noblesse. La baisse de la population donne une plus grande valeur à la vie humaine ainsi qu’à la descendance et aux mères.

A une époque où sévit la mortalité infantile, ou l’espérance de vie demeure courte, l’enfant, avant d’être un individu, incarne l’espoir de perpétuer une lignée. Dans les familles pauvres, la crainte de mourir sans postérité est plus forte que l’inquiétude d’avoir à nourrir une bouche supplémentaire.


La pérennité familiale est au cœur des préoccupations de l’aristocratie. Les portraits de familles traduisent cette préoccupation dynastique. Dans ce tableau, trois générations sont représentées.

Philippe de Champaigne (1602-1674) : né à Anvers. Dès 1621 il part à Paris. Ami de Nicolas Poussin. Il décore, à la demande de Marie de Médicis, le Palais du Luxembourg. 

La Famille Habert de Montmor – Philippe de Champaigne

Le statut de l’enfant dans certains secteurs sociaux s’améliore et les chiffres de la mortalité infantile et des femmes à l’accouchement baissent. Il existe néanmoins une tension entre une attention plus affectueuse dont l’enfant est l’objet dans certains familles et l’exploitation de très jeunes enfants. Notre sensibilité s’émeut souvent de la rigueur des châtiments d’antan mais le contexte n’était tendre pour personne.

Portrait d'un enfant mort – Philippe de Champaigne
 
La fille naturelle de Louis XIV et de Madame de Montespan. La bulle de savon et la montre disent le caractère posthume du tableau – Vers 1681. 

Pierre Mignard (1612-1695) : né à Troyes. Ami de Nicolas Poussin, il a fait des portraits de Molière, Racine et Boileau.

Louise-Marie de Bourbon, duchesse d’Orléans – Pierre Mignard




A l’opposé, une suite de tableaux des frères Le Nain montre des enfants humbles, petits paysans dont les activités sont le prétexte à des scènes de genre plus pittoresques que réalistes.

Les jeunes musiciens  –  Antoine Le Nain – Vers 1640