« Poètes, vos papiers ! Trois poètes des Editions N&B »
Jean-Claude a animé la soirée, dont l’intitulé a été largement inspiré d’une chanson un peu oubliée de Leo Ferré. Nous avons eu le plaisir d’y accueillir 3 invités extérieurs :
- Michèle CAPOLUNGO, auteur d’un premier recueil de poèmes « Vivre Loin Des Colons Dans L'écrin Des Sillons » publié en 2011 aux éditions N&B qui exprime sa douleur au réveil de souvenirs enfouis.
- Christian GLACE, poète dont un recueil « Taille directe » est paru chez N&B en 2007. Auteur en association avec Jean-Luc Aribaud d’un livre de photographies « Paysages tremblés » aux éditions Zorba et sculpteur dont les œuvres sont visibles dans son atelier : 2 impasse Bashung à Pechbonnieu ou en parcourant le Sentier Sculpturel de Mayronnes dans le paysage immense des Corbières. Il utilise les mots et modèle les phrases avec la même énergie qu’il met à sculpter le bois brut. Son site : Sculptures Glace C
- Progreso MARIN, directeur de la publication des éditions N&B ou il a fait paraître deux recueils : « Ecluse suivi de Buée » en 2005 et « Herbier des jours » en 2009. Progreso Marin s'est également fait connaître par les ouvrages qu'il a consacrés à la mémoire de l'exil espagnol, « Dolores, une vie pour la liberté » et « Exilés espagnols, la mémoire à vif ». Une recherche du juste mot et de la phrase ciselée. Nous avons retenu sa comparaison avec le travail du cuisinier qui obtient les goûts les plus subtils par une « réduction » des sauces et de leurs ingrédients.
Chez nos 3 invités, et malgré des approches différentes, on a retrouvé le même amour des mots et de la poésie comme « foyer de résistance ».
Pour vous faire partager ou remémorer la richesse du débat, voici les différents thèmes que Jean-Claude avait choisi de faire développer par nos invités pour nous éclairer le propos :
- La difficulté d’éditer les œuvres poétiques : le quotidien des éditions N&B.
- Le son de la voix du poète pour donner une résonance qui éclaire l’œuvre et peut en donner une clé d’appropriation.
- La biographie de l’auteur comme élément de compréhension d’une œuvre ?
- Relation entre poème et émotion ?
- Relation avec les autres expressions artistiques (photographie, peinture,...)
Et quelques citations qui ont émaillé la soirée :
« Cette émotion appelée poésie » P. Reverdy
« Elle va à nous pour rendre habitable l’inhabitable et respirable l’irrespirable » H. Michaux
« L’avenir de la poésie est d’être source d’avenir parce qu’elle est un perpétuel recommencement » B. Noël
« La seule pauvreté estimable est celle conquise sur un trop-plein » C. Roy
« La poésie n’est pas obscure par ce qu’on ne la comprend pas mais qu’on en finit pas de la comprendre » G. Perros
« La poésie est à la vie ce que le feu est au bois » P. Reverdy
Puis, après avoir effacé un à un les barreaux de la cage, l’oiseau a chanté…
A ce jour, le catalogue des éditions N&B est riche d’une soixantaine d’ouvrages. Des recueils de poèmes, de minuscules nouvelles y côtoient des romans contemporains et des récits inclassables où les instants éphémères de vie rejoignent l’éternelle inquiétude humaine.
Progreso MARIN est né à Toulouse, fils de réfugiés républicains espagnols. Il a publié plusieurs ouvrages qu'il a consacrés à la mémoire de l'exil espagnol, notamment aux Nouvelles Éditions Loubatières : « Exil et Dolorès, une vie pour la liberté », « Témoignages sur la guerre d’Espagne », « 1936 – Luttes sociales dans le Midi » en collaboration avec Violette Marcos et « Toulouse, patrimoine et art de vivre ».
Poète, il a publié dans les revues Encres vives, En-Je lacanien et Europe. Responsable d'une émission radio à Radio Mon Païs sur la poésie contemporaine, ses vers sont brefs, minimalistes, ses poèmes partant d'une réalité (les écluses, la buée sur les vitres, etc.) développent une métaphore pour livrer en des images rapides un peu de vérité objective et surtout des bribes d'une réalité plus profonde, du sang, de l'inconscient, de la mémoire.
Aux éditions N&B : « Herbier des Jours », « Ecluse suivie de Buée »
Michèle CAPOLUNGO est née dans le creuset du colonialisme français, d'un père soldat outre-mer et d'une mère partie d'Afrique du Nord.
Dans la force libre des mots, le son trouve sens, la joie et la douleur se rejoignent. Le fleuve espère la mer.
Elle vit et enseigne près de Toulouse.
Un recueil de poèmes aux éditions N&B
« Vivre Loin Des Colons Dans L'écrin Des Sillons »
Christian GLACE est né au Creusot et vit dans la région toulousaine et dans l'Aude.
- sculpteur : nombreuses expositions et animateur du Sentier Sculpturel de Mayronnes
- travailleur social
- poète et animateur d'ateliers d'écritures poétiques sur Toulouse pour tous publics et
personnes en difficulté.
« Taille directe » poésie, éditions N&B, 2007
« Paysages tremblés » Zorba éditions, 2011
Photographies de Jean-Luc Aribaud,
Poèmes de Christian Glace
Publication dans la revue de poésie MULTIPLES
« C'est la sculpture qui m'a amené à l'écriture. Je sculpte depuis longtemps sur des bois trouvés dehors dans la nature, un peu partout, au bord de l'eau, au fond des campagnes et que j'observe pendant des mois et des années avant d'intervenir. Par nécessité et parce qu'on me le demandait, j'ai voulu mettre des mots sur cet exercice esthétique et très physique, cette expérience intense, ce rapport très direct à une matière brute, cet acte démiurge et prétentieux de création mais respectueux et attentif au réel, qui répond à un besoin profond car il questionne directement notre être dans sa relation au monde et à ce qu'on appelle la nature. Bien d'égarements contemporains viennent sans doute du fait que nous ayons perdu nos liens étroits avec cette nature.
J'ai écrit pour essayer de comprendre pourquoi j'avais choisi la pratique de la sculpture et cette manière d'être au monde. Pour moi seule l'écriture poétique permet de rendre compte de cette expérience au contraire d'une écriture démonstrative, rationnelle. L'écriture poétique va directement à l'essentiel et ne s'embarrasse pas de certitudes fondées sur de grands systèmes de pensées, de logiques et de contraintes syntaxiques qui déterminent bien trop ce que l'on veut exprimer et nous détournent de nos propres vérités. L'écriture poétique n'a pas peur des contradictions, nous sommes pétris de vents contraires, elle ne craint pas les répétitions, les errances, les insuffisances car nous sommes nous-même éminemment imparfaits, indéfinis, incertains. Enfin seule l'écriture poétique peut approcher la fulgurance du geste créatif, l'errance et l'opiniâtreté du désir, le mystère absolu de l'être et de sa destinée.
Editions N&B
Parce que le poème débute toute chose,
parce que le réel du monde est là,
qui chaque jour nous altère davantage,
il y a urgence à dire ce qui nous fonde,
ce qui nous apprend à être de l’aube à la nuit profonde.
n&b,
tout simplement.
Progreso MARIN est né à Toulouse, fils de réfugiés républicains espagnols. Il a publié plusieurs ouvrages qu'il a consacrés à la mémoire de l'exil espagnol, notamment aux Nouvelles Éditions Loubatières : « Exil et Dolorès, une vie pour la liberté », « Témoignages sur la guerre d’Espagne », « 1936 – Luttes sociales dans le Midi » en collaboration avec Violette Marcos et « Toulouse, patrimoine et art de vivre ».
Poète, il a publié dans les revues Encres vives, En-Je lacanien et Europe. Responsable d'une émission radio à Radio Mon Païs sur la poésie contemporaine, ses vers sont brefs, minimalistes, ses poèmes partant d'une réalité (les écluses, la buée sur les vitres, etc.) développent une métaphore pour livrer en des images rapides un peu de vérité objective et surtout des bribes d'une réalité plus profonde, du sang, de l'inconscient, de la mémoire.
Aux éditions N&B : « Herbier des Jours », « Ecluse suivie de Buée »
Michèle CAPOLUNGO est née dans le creuset du colonialisme français, d'un père soldat outre-mer et d'une mère partie d'Afrique du Nord.
Dans la force libre des mots, le son trouve sens, la joie et la douleur se rejoignent. Le fleuve espère la mer.
Elle vit et enseigne près de Toulouse.
Un recueil de poèmes aux éditions N&B
« Vivre Loin Des Colons Dans L'écrin Des Sillons »
Christian GLACE est né au Creusot et vit dans la région toulousaine et dans l'Aude.
- sculpteur : nombreuses expositions et animateur du Sentier Sculpturel de Mayronnes
- travailleur social
- poète et animateur d'ateliers d'écritures poétiques sur Toulouse pour tous publics et
personnes en difficulté.
« Taille directe » poésie, éditions N&B, 2007
« Paysages tremblés » Zorba éditions, 2011
Photographies de Jean-Luc Aribaud,
Poèmes de Christian Glace
Publication dans la revue de poésie MULTIPLES
« C'est la sculpture qui m'a amené à l'écriture. Je sculpte depuis longtemps sur des bois trouvés dehors dans la nature, un peu partout, au bord de l'eau, au fond des campagnes et que j'observe pendant des mois et des années avant d'intervenir. Par nécessité et parce qu'on me le demandait, j'ai voulu mettre des mots sur cet exercice esthétique et très physique, cette expérience intense, ce rapport très direct à une matière brute, cet acte démiurge et prétentieux de création mais respectueux et attentif au réel, qui répond à un besoin profond car il questionne directement notre être dans sa relation au monde et à ce qu'on appelle la nature. Bien d'égarements contemporains viennent sans doute du fait que nous ayons perdu nos liens étroits avec cette nature.
J'ai écrit pour essayer de comprendre pourquoi j'avais choisi la pratique de la sculpture et cette manière d'être au monde. Pour moi seule l'écriture poétique permet de rendre compte de cette expérience au contraire d'une écriture démonstrative, rationnelle. L'écriture poétique va directement à l'essentiel et ne s'embarrasse pas de certitudes fondées sur de grands systèmes de pensées, de logiques et de contraintes syntaxiques qui déterminent bien trop ce que l'on veut exprimer et nous détournent de nos propres vérités. L'écriture poétique n'a pas peur des contradictions, nous sommes pétris de vents contraires, elle ne craint pas les répétitions, les errances, les insuffisances car nous sommes nous-même éminemment imparfaits, indéfinis, incertains. Enfin seule l'écriture poétique peut approcher la fulgurance du geste créatif, l'errance et l'opiniâtreté du désir, le mystère absolu de l'être et de sa destinée.
Assez rapidement mon écriture s'est détachée de la sculpture pour suivre sa voie propre tout en restant je crois dans le même sillon, la même démarche. La pratique des mots n'est pas pour moi évidente et je manie mieux la gouge et l'herminette que le stylo. Je me méfie des mots et des idées. Les mots sont aujourd'hui usés jusqu'à la corde, détournés, instrumentalisés, galvaudés… Les mots, les images qui nous viennent à l'esprit bien souvent ne nous appartiennent pas. D'où la nécessité de jouer avec le langage et de ne le prendre pas entièrement au sérieux. Tout comme la sculpture permet de reprendre contact avec des vérités palpables, la poésie doit redonner sens et éclat aux mots. J'ai essayé d'utiliser les mots comme des matériaux bruts, comme neufs, que je taille et modèle avec les mains, la tête, les sens et le corps tout entier. Tout comme avec le bois, je garde longtemps mes mots en observation avant d'intervenir.
Mon histoire ne m'a pas vraiment non plus permis d'être à l'aise dans ma langue. Dans ma famille, je suis né au Creusot en 1949, on employait peu de mots, avec un vocabulaire très limité et on s'exprimait peu, le plus souvent dans la colère ou la plainte. Ma mère est Tatare de Crimée, née près de Yalta, déportée en camp de travail pendant la guerre, issue d'une petite paysannerie musulmane très pauvre, expropriée puis déportée massivement par Staline. Elle parlait très mal le Français et a toujours caché sa culture et sa langue d'origine, le turco-mongol que j'ai découvert presque par hasard quand j'avais plus de trente ans. Mon père était ajusteur chez Schneider, premier bastion en France de la métallurgie, implanté au Creusot, type même de la ville ouvrière toute entière conçue, organisée, administrée par le patron d'usine où l'on façonnait les esprits comme la ferraille pour le travail d'usine. Mon père, ouvrier issu d'une lignée de paysans morvandiaux, ne disait lui non plus pas grand-chose et me demandait si je n'avais rien d'autre à faire quand il me voyait avec un livre. J'ai quitté, je me suis arraché de cette communauté ouvrière, pour aller faire des études dans le socioculturel à Bordeaux, pour me rendre compte que je ne comprenais pas grand-chose du monde et de moi-même, que mon accent faisait rire autour de moi… et pour me retrouver peu après dans de toutes autres communautés liées au retour à la terre et au radicalisme politique. Le verbiage était intense, les idéologies plombantes et nous prétendions changer le monde en changeant nos vies, nos manières de penser, d'aimer, de travailler… On connaît la suite.
Comment suis-je sorti de cette grande lessiveuse intellectuelle ? D'abord par l'amour d'une femme qui m'a ancré dans l'essentiel. Par la lecture, la recherche personnelle, des études, un travail, la sculpture, l'écriture… la poésie qui n'est pas que recherche de langages mais manière d'être au monde.
J'écris peu et plus facilement sous la contrainte. Comment porter sa voix dans ce déploiement, cette inflation d'écrits de toutes sortes, ce brouhaha intense, ce bavardage immense, assourdissant qui couvre nos vies et le monde ?
Fort heureusement la poésie peut dire le silence.»